 |
Livre : Parution : La guerre totale germano-russe de 1941-1945 (Boris Laurent)
Pierre Le Vigan |
Histoire :: Autres
|
L’ouvrage sur le choc meurtrier entre la Russie et l’Allemagne tout autant qu’entre deux idéologies se concentre sur certains points. On n’y trouvera donc pas tout de manière exhaustive. Ainsi, la bataille pour la reprise de Jitomir en novembre 1943 ne sera pas présentée. Pour autant, l’ouvrage du journaliste spécialisé Boris Laurent, ancien de la revue Axe et Alliés ne se résume pas à l’étude de quelques moments clés de l’histoire militaire : les dimensions psychologiques, industrielles, énergétiques et politiques sont présentes.
On y voit notamment les conséquences de la brutalité de l’Occupation allemande de la Russie sur la naissance d’une résistance russe dans un pays pourtant sans doute superficiellement bolchévisé, mais par contre patriote, ou plutôt irrigué de patriotismes réels mais différents – nous pensons au cas de l’Ukraine par rapport à la Russie –, nous voyons les conséquences des théories raciales délirantes des nazis, et les conséquences aussi, dans l’autre sens, des tueries dues aux Russes fin 1944 et en 1945, d’abord en Prusse puis ailleurs, avec le cas emblématique de Nemmersdorf, exploité par la propagande de Goebbels tout autant que connu par la circulation naturelle des témoignages. A la suite de cela, on voit le raidissement désespéré de la défense allemande dans les derniers temps de la guerre.
Les progrès continue de l’armée russe sont bien vus mais aussi les pertes restées considérables des Russes compte tenu notamment de leurs erreurs stratégiques et du mépris stalinien de la vie humaine, y compris du côté de ses propres troupes. La bataille de Koursk est fort bien analysée. On y observe la réussite du plan russe de menace d’’encerclement large du groupe d’armée Sud, comme à Stalingrad (avec « Uranus », puis « Petite Saturne » prenant la suite de « Grande Saturne ») mais cette fois sur le mode d’une menace larvée, jouant sur les nerfs d’Hitler, et d’une manœuvre d’intoxication : contre-encerclement du saillant d’Orel dans le dos du maréchal Model, attaques sur le Mious, etc. Le débarquement de Sicile et le renvoi de la 1ère division blindée SS en Sicile amènent l’arrêt d’une offensive allemande à Koursk dont les chances de réussite, sans être nulles, restaient dès le début fort fragiles.
L’importance du front de l’est doit être rappelée. Près des deux tiers des forces allemandes étaient sur le front de l’est, et, à partir de fin 1943, il y avait un soldat allemand pour trois soldats russes. Les Russes ne cessaient de se renforcer tandis que les Allemands comblaient une part toujours plus réduite de leurs pertes. Dans le même temps, l’auteur souligne que, sans l’aide des Alliés, il est possible que les Russes auraient subi un effondrement économique en 1942, au moment du Plan Bleu. Et un effondrement militaire ? Nous ne le saurons jamais. Ce fut une guerre à mort. Et en grande partie une guerre entre Européens qui a longtemps masqué nos parentés nécessaires, entre Russes et Européens, au-delà des idéologies, et au-delà, aujourd’hui, de la diabolisation de la politique extérieure du gouvernement russe.
Boris Laurent, La guerre totale à l’est. 1941-1945. Nouvelles perspectives sur la guerre germano-soviétique, Nouveau monde éditions, 560 pages, 24 € |
|
 |