Liberté d’expression, entre faux procès et vrai sujet
Au risque de surprendre nos amis lecteurs de Boulevard Voltaire, je ne m’associe pas au vaste courant de protestation contre la direction d’i>Télé après sa décision de mettre un terme à l’émission « Ça se dispute ». Je suis pourtant un inconditionnel de la liberté d’expression et je partage très largement les idées d’Éric Zemmour.
Mais j’essaye aussi de voir la réalité dans son ensemble et d’en tirer une pensée cohérente. Or, la réalité est qu’i>Télé est une chaîne privée du groupe Canal+ (qui, lui-même, appartient à 100 % au groupe Vivendi). Et ce n’est un secret pour personne que l’association Canal+-Éric Zemmour, du point de vue des idées, c’est un peu comme le mariage de la carpe et du lapin. La liberté d’expression est un bien précieux mais pas moins que celle pour un entrepreneur d’employer qui il veut, et ce n’est pas parce que des lois que je réprouve restreignent celle-ci, au prétexte de la diversité des sexes et des origines, que je dois en l’espèce donner tort à i>Télé.
Zemmour a été condamné une fois (injustement) pour des propos qu’il avait tenus dans un débat où il n’était qu’invité. S’il n’est pas condamné cette fois-ci (je le pense), il n’y a pas de raison qu’il cesse de collaborer avec Le Figaro Magazine, média de droite, ni avec RTL, média à la vocation généraliste assumée. Le cas i>Télé me semble donc spécifique et l’absence de réaction de ces deux médias semble corroborer cette analyse.
La vraie question posée par cette affaire est tout autre. Pourquoi une émission-débat comme « Ça se dispute » ne trouve pas sa place dans l’espace public, c’est-à-dire, par exemple, sur France 2 ? Pourquoi Yves Calvi, qui pourtant le connaît bien, n’a jamais invité Éric Zemmour sur le plateau de « C dans l’air » alors que Claude Weill ou Christophe Barbier, dont les idées ne sont pas moins partisanes, y font figure de piliers. C’est sur ce terrain-là que se pose vraiment la question de la liberté d’expression.
La liberté d’expression est une affaire publique dont l’État doit se montrer le garant. Or, nous savons tous qu’il n’en est rien. Nous nous polarisons sur un cas individuel comme sur l’arbre qui cache la forêt. Mais, en France, la quasi-totalité des journalistes sont de gauche et une minorité proche de l’UMP, tandis que les autres sont d’extrême gauche. Pas un seul n’est officiellement catalogué « Droite nationale » alors que ce courant de pensée représente désormais un gros tiers des électeurs. Pire : Robert Menard fut viré d’i>Télé (encore) du seul fait qu’il avait avoué partager certaines idées défendues par le Front national. Ce phénomène trouve son explication dans le fonctionnement de toute une machinerie totalitaire, dès le lycée mais aussi et surtout dans les facs de droit, les écoles de journalisme et aux instituts d’études politiques. Nos gouvernants complètent le dispositif en faisant adopter tout un arsenal répressif pour décourager les mal-pensants. Le mince espace entre le discours politiquement correct et l’illégalité se réduit comme une peau de chagrin.
Boulevard Voltaire :: lien |