Avant de devenir un nouveau visage du terrorisme, Reda Kriket s'était forgé une solide expérience criminelle, très loin de Daech. De cambriolages en évasions, retour sur un passé mouvementé.

Ceux qu'il l'ont approché décrivent un homme au « visage glabre et juvénile », au « physique trapu et athlétique ». En revanche, les mêmes ont eu du mal à cerner la personnalité et, surtout, le degré d'implication de Reda Kriket dans ce « projet d'attentat imminent », ainsi que l'ont qualifié Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur, et François Molins, le procureur de la République de Paris, après son interpellation, le 24 mars en fin de matinée, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).
Au cours de ses six jours de garde à vue, ce natif de Courbevoie, d'origine algérienne, s'est surtout employé à chasser cette image de « terroriste présumé » qui lui colle désormais à la peau.
Charges accablantes
L'arsenal, composé notamment de kalachnikov, d'armes de poing et de TATP — cet explosif artisanal utilisé par les kamikazes de Paris et de Bruxelles —, découvert dans sa planque d'Argenteuil (Val-d'Oise) vient étayer les soupçons de la participation de Reda Kriket à une « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Sa mise en examen notifiée, il a été écroué à la prison de Fresnes (Val-de-Marne). Un lieu de détention qu'il a déjà « fréquenté » en 2011, au cours de sa dernière peine de prison. Sa condamnation à dix ans de réclusion, prononcée en son absence en juillet 2015 par la justice belge, s'ajoute aux éléments à charge déjà réunis contre ce père d'un petit garçon de 6 ans. Une peine alors prononcée dans le cadre du procès d'une vaste filière de djihadistes partis pour la Syrie, Filière au sein de laquelle figurait Abdelhamid Abaaoud — présenté comme le coordonnateur des attaques du 13 novembre. Enfin, François Molins a rappelé les soupçons de départ vers la Syrie, fin 2014-début 2015, concernant Reda Kriket, dont les premiers faits de délinquance remontent à ses 16 ans.
Jeunesse délinquante et ultraviolente
A l'époque, l'adolescent est arrêté pour une tentative de vol de scooter. Dès lors, les interpellations pour vol avec violence, recel de vol, port d'arme ou bien encore trafic de fausse monnaie vont se succéder. Sa première « grosse » affaire intervient le 11 décembre 2003. Ce jour-là, un homme de 22 ans est retrouvé dans un état comateux devant l'hôpital de Courbevoie (Hauts-de-Seine). Il souffre d'un traumatisme crânien, d'une fracture du nez et présente de profondes plaies au visage. Le jeune garçon — lui-même soupçonné d'avoir été impliqué, deux jours plus tôt, dans une agression d'une violence rare, au cours de laquelle un proche de Reda Kriket avait été aspergé d'alcool à brûler — été la cible d'une expédition punitive. Frappé notamment à coups d'extincteur, il assure avoir été balafré par Reda Kriket. Ce dernier finira par avouer les violences, après avoir ressenti « un choc à la vue de son ami brûlé », mais il niera jusqu'au bout avoir voulu « graver des initiales » sur le visage de sa victime. Pour ces faits, il est condamné, en mars 2005, à cinq ans d'emprisonnement.
Double évasion
Deux ans plus tard, Kriket refait parler de lui. Le 20 février 2007, il est surpris dans les toilettes d'une boutique du Sentier (Paris IIe), dont il vient de forcer la grille. Décrit comme « intelligent » et « posé », le jeune homme se présente sous une fausse identité. Placé en garde à vue, il parvient à s'enfuir, profitant, dira-t-il, « d'une baisse de vigilance de ses gardiens » alors qu'il est conduit aux toilettes... Le même scénario se reproduit deux mois plus tard au commissariat du I er arrondissement. Reda Kriket y est conduit avec deux comparses — dont Anis Bahri, interpellé le 27 mars pour son implication présumée dans le projet terroriste — alors qu'ils venaient de cambrioler une boutique de la rue Saint-Honoré. Kriket, alors âgé de 25 ans, s'enfuit des lieux avec une facilité déconcertante. « Il était assis dans le local à côté de la fenêtre, confiera, décontenancé, son avocat qui a assisté à son évasion. La fenêtre était ouverte, mais il y avait un Plexiglas devant. Il m'a dit : Oh, il fait beau dehors. Il me semble qu'il est monté sur sa chaise avant de sauter par-dessus le Plexiglas... » Les policiers lancés à sa recherche se rendent chez sa mère, qui répond qu'elle n'a plus de « nouvelles de son fils depuis plus d'un mois », après que ce dernier a « volontairement mis le feu à leur appartement ».
Premiers pas en Belgique
Sous le coup d'un mandat d'arrêt, Reda Kriket n'est rattrapé que trois ans plus tard en Belgique, où il affirme avoir « refait sa vie et eu un enfant ». Le 13 septembre 2010, il est conduit devant le juge Fabrice Burgaud (celui de l'affaire d'Outreau), en poste au bureau des arrestations du tribunal de Paris, avant de déclarer « souhaiter régler ses problèmes judiciaires et revoir sa famille en France ». Dans la foulée, il écope d'une nouvelle peine de prison — sa onzième — qui le conduit pour sept mois derrière les barreaux. Au cours du procès, il explique avoir pris des cours d'anglais pour « pouvoir participer au développement du commerce de vêtements » tenu par son amie. Dans leur jugement, les magistrats estiment alors qu'« il apparaît une évolution positive dans l'évolution sociale de Kriket Reda, qui mérite d'être prise en compte ». Et de conclure : « Les faits commis justifient, compte tenu de ses antécédents, une application ferme de la loi qui, une fois la peine exécutée, lui permette de se libérer de ce passé qu'il dit révolu. » Il est aujourd'hui soupçonné d'avoir préparé un attentat qui aurait pu être extrêmement meurtrier.