Pour tous les non passionnés de sport et pour tous ceux qui ne s’enthousiasment pas des exploits des mercenaires islamistes en Syrie, cet été 2012 n’est guère distrayant d’événements politiques.
Il y a tout de même quelques scandales. Enfin, un au moins, en ce début août : le refus de la Légion d’honneur. Cette année, c’est Annie Thébaud-Mony, spécialiste des cancers professionnels, qui a dédaignée la plus haute décoration honorifique française afin de dénoncer l’impunité des « crimes industriels », dont semble-t-il, tout le monde se moque, à commencer par nos chers gouvernants.
Précisons que nos « chers gouvernants » (et même très chers, malgré la réduction hollandienne de leurs rémunérations mensuels) ne s’en moquent probablement pas, mais que « l’accumulation des impasses environnementales, en matière d’amiante, de pesticides, de déchets nucléaires et chimiques », dénoncée par la dame, si elle fait le malheur du plus grand nombre de citoyens, en enrichit sans doute certains, toutes tendances politiques confondues.
Dame Thébaud-Mony vient d’accéder en cette chaleur estivale à une notoriété que ses seules qualités et aptitudes, sans parler de son action passée, ne lui avaient pas apportée jusqu’alors. Son coup d’éclat lui permet en effet de faire connaître les buts de l’association Henri Pézerat qu’elle préside et qui œuvre « pour la promotion des luttes sociales concernant la santé des personnes en lien avec le travail et l’environnement. »(1)
Les médias n’auraient à l’évidence pas accordé autant d’importance à celle-ci s’il n’y avait eu ce fumet de pseudo-scandale politique, rapidement éteint, puisqu’Annie Thébaud-Mony a précipitamment précisé que sa décision n’était en rien « un geste contre Cécile Duflot » puisque c’est la ministre du Logement qui avait décidé de la lui décerner.
On ne voit pas très bien le rapport entre les qualités de la première et la fonction ministérielle de la deuxième, mais il en est ainsi de la distribution des médailles qui semble se faire au petit bonheur de l’humeur de tout un chacun.
Il fut un temps où l’on refusait la Légion d’honneur comme George Sand pour « ne pas avoir l’air d’une vieille cantinière ! », comme Berlioz qui attendait de l’État une facture de 3 000 francs pour un requiem et qui s’écria : « Je me fous de votre croix. Donnez-moi mon argent » ou encore comme Marcel Aymé qui entendait, en 1949, dénoncer l’épuration toujours en vigueur : « [...] pour ne plus me trouver dans le cas d’avoir à refuser d’aussi désirables faveurs, ce qui me cause nécessairement une grande peine, je les prierais qu’ils voulussent bien, leur Légion d’honneur, se la carrer dans le train, comme aussi leurs plaisirs élyséens. »
Citons aussi Jacques Prévert après que Louis Aragon, l’air refusé : « C’est très bien de la refuser, mais encore faudrait-il ne pas l’avoir méritée » et Edmond Maire, ancien secrétaire général de la CFDT, qui la refusa en déclarant : « Ce n’est pas à l’État de décider ce qui est honorable ou pas »… On ne saurait dire mieux !(2)
À l’évidence, on se rappelle bien davantage des quelques audacieux qui l’ont refusée, quelles qu'en fussent les motivations, que des innombrables « privilégiés » qui l’ont reçue, acceptée et en ont été tellement satisfait.
Madame Thébaud-Mony a bien compris qu’un refus de Légion d’honneur est d’un bien meilleur bénéfice médiatique… On ne le lui reprochera pas.
(1) http://www.asso-henri-pezerat.org.
(2) Source : « Légion d’Honneur : quelles célébrités l’ont refusée ? » par Cyrille Frank (http://quoi.info).
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